Mercredi, 15h30.
Je débarque à la station Frontenac. Je me sens fatiguée et irritable, et j’ai
très certainement mon air bête habituel étampé dans le visage. Dans l’escalier
roulant, une voix pète ma bulle.
—
Souris!
Je lève les
yeux.
— Hmmmmmmmmm???
Deux marches
plus haut, un gars dans la mi-trentaine, pas très francophone. Il répète :
— Souris!
— Euhhhh. Pourquoi?
— Si tu souris, tu te sens mieux.
—
Ah bon. D’accord.
Je résume, parce
qu’il a un accent épouvantable et je dois lui faire répéter chaque phrase au
moins deux fois. Je m’imagine que l’échange va s’arrêter là et que je vais
retrouver ma tranquillité habituelle.
Malheureusement,
mon compagnon ne l’entend pas de cette façon.
Il sort un jeu
de Wii (Just Dance) et un petit papier sur lequel est gribouillé un mot de
bonne fête bourré de fautes. Il me demande s’il y a des fautes et il me tend un
crayon. Vu que je suis gentille (des fois), je lui corrige son mot.
Comme nous
arrivons à la sortie, je dis :
— Ok bonne soirée là!
Et je m’éloigne
rapidement. À peine sortie de la station, qui c’est que je vois tu pas surgir à
mes côtés?
Eh oui.
Ne comprenant
toujours pas ce qu’il me veut, je commence à élaborer un stratagème pour me
débarrasser de lui. Pendant ce temps, mon ami continue de déblatérer dans un
langage incompréhensible que je ne me donne même pas la peine d’essayer de
comprendre. Je me contente de ponctuer son discours par des ok et des ouais.
Après environ
trente seconde de marche, mon salut se présente : l’épicerie IGA du métro
Frontenac! Je n’ai pas besoin de faire l’épicerie. Mais ça, il n’est pas obligé
de le savoir.
— Tu t’en vas où toi là comme ça? Que je lui
demande
— Ontario, Pie-IX.
— Eh boy, tu vas marcher longtemps. T’es mieux
de prendre l’autobus. Bon, moi faut que j’aille à l’épicerie, dis-je en
tournant à droite.
… Et il tourne à
droite avec moi, en disant, « Moi aussi! »
Non mais c’est
pas vrai.
Non, c’est pas
vrai que je vais perdre mon temps à m’inventer des besoins alimentaires avec un
illustre inconnu. Alors en entrant dans le centre d’achats, je m’arrête devant
le IGA et je m’apprête à lui annoncer officiellement que le temps est venu de
me crisser patience.
Quand soudain,
mon attention est attirée par un kiosque Unicef dont je n’aurais absolument
rien à foutre en temps normal. La petite vendeuse me salue. Je me sens
subitement trrrrrrèsssss intéressée par ses autos téléguidées, ses chargeurs
iPhone à 20% de rabais et ses chandeliers magiques qui permettent de faire un
vœu. Je lui pose une foule de questions et je lui demande de me décrire en
détail chacun de ces items. Pendant ce temps, mon nouvel ami s’impatiente
(enfin). Il finit par me dire, en pointant l’épicerie devant nous :
— Hey, je vais aller me chercher un café pis je
reviens.
Aussitôt qu’il a
le dos tourné, j’en profite pour remercier ma gentille vendeuse, et je lui
promets de revenir après avoir fait mes courses. Je repars dans le sens
inverse, je traverse tout le centre d’achats et je me pousse par l’autre sortie.
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