Des leçons de
vie, on peut en apprendre n’importe où et n’importe quand. Hier, je suis allée
dans un take-out me chercher une poutine. Il y avait une jeune femme à la
caisse, dans la trentaine, qui prenait notre commande. Et soudain, une collègue
un peu plus vieille est arrivée derrière elle, et dans un instant de
complicité, elle lui a slappé les fesses avec un menu. La jeune femme n’a fait
ni une ni deux : elle s’est retournée pour lui dire : « Ne fais
pas ça. Je déteste ça. Ça passe pas. » Elle avait l’air vraiment en criss.
Et la fautive a eu l’air étonné. Ça a jeté un petit, même moyen, malaise. Et j’ai
trouvé ça absolument admirable. Cette jeune femme, je lui tire mon chapeau, car
elle a fait EXACTEMENT la chose à faire : mettre ses limites et se faire
respecter. Car sérieusement, même si elle s’est fait parler bête, qu’est-ce que
sa collègue aurait pu dire? Pas grand-chose: est-ce qu’on peut vraiment, en
2014, blâmer quelqu’un pour avoir appliqué ce principe de base qu’on nous
enseigne depuis notre tendre enfance? Rappelez-vous cette chanson niaiseuse
dont on nous rabâche les oreilles depuis des décennies : « Mon corps,
c’est mon corps, ce n’est pas le tien… »
À ce moment-là,
j’ai obtenu la réponse à une question que je me posais depuis longtemps :
comment réagir quand on trouve que quelqu’un va trop loin? C’est vraiment
simple. Pas besoin d’une répartie cinglante digne d’un film hollywoodien, pas
besoin de hurler, de grimper dans les rideaux, de gifler l’offenseur. Il suffit
simplement de dire non. Ne me touche pas, ou lâche-moi. La peur de froisser quelqu'un n’a pas lieu d’être, considérant que c’est l’autre qui est vraiment bête
de s’aventurer en zone dangereuse.
Il m’est souvent
arrivé d’avoir affaire à des collègues un peu trop tactiles… Des collègues avec
qui j’avais une bonne relation, que je ne voulais pas gâcher. Les mains
baladeuses, les commentaires déplacés, les propositions carrément indécentes,
etc. À chaque fois qu’une situation ambiguë se présentait, je figeais. Je
faisais comme si c’était normal, banal, comme ça j’avais l’air cool et ouverte
d’esprit. Par contre, je ne trippais vraiment pas. Avec le recul, j’ai fini par
comprendre que la raison pour laquelle je ne disais rien était l’arme numéro un
des esprits mal intentionnés : la sidération et le sentiment de culpabilité.
Faire croire à la victime que c’est elle, la fautive. Attention : je ne
prétends pas que toutes les personnes qu’on remet à leur place sont
nécessairement des harceleurs sexuels. Ce que j’essaie de dire, c’est que NOS
propres limites constituent en soi un argument valable pour convaincre l’autre
de ne plus recommencer. Toujours est-il que je ne voulais pas avoir l’air bête,
froisser la personne ou gâcher notre belle relation en jetant un malaise. Mais
qu’est-ce que l’autre va penser? Comment formuler sans être trop raide? Et
s’il était fâché contre moi, me faisait la gueule? Et si on me reprochait mon
attitude? Est-ce que j’ai fait quelque chose pour faire croire à la personne
que j’espérais un rapprochement? Parfois, j’essayais même d’excuser la
personne. Il a fait ça inocemment, c’est moi qui capote. STOP. Le malaise
initial, ce n’est pas moi qui l’a jeté. C’est l’autre qui a commencé, en posant
ses sales pattes là où il ne devrait pas.
Alors merci,
jeune fille du take-out, pour m’avoir enseigné une leçon cruciale.
Puisque les
texte d’opinion sèment parfois la controverse, j’ai décidé de prévenir celle-ci
en présentant une annexe des questions qui pourraient suivre, agrémentées des
réponses qui viennent avec. Les voici :
« Arrête de
te plaindre, au moins t’es cute, au moins tu pognes, au moins t’as de
l’attention, tu devrais être contente » -> Toi, tu es une vidange et tu
passes complètement à côté du sujet. Prochaine question.
« Maudites
féministes frustrées, z’êtes toutes pareilles » -> Si tu veux, ça ne me
dérange vraiiiiiiment pas que tu me considères comme une féministe.
Fin de la
période de questions.