dimanche 8 juin 2014

Mon corps, c'est mon corps


Des leçons de vie, on peut en apprendre n’importe où et n’importe quand. Hier, je suis allée dans un take-out me chercher une poutine. Il y avait une jeune femme à la caisse, dans la trentaine, qui prenait notre commande. Et soudain, une collègue un peu plus vieille est arrivée derrière elle, et dans un instant de complicité, elle lui a slappé les fesses avec un menu. La jeune femme n’a fait ni une ni deux : elle s’est retournée pour lui dire : « Ne fais pas ça. Je déteste ça. Ça passe pas. » Elle avait l’air vraiment en criss. Et la fautive a eu l’air étonné. Ça a jeté un petit, même moyen, malaise. Et j’ai trouvé ça absolument admirable. Cette jeune femme, je lui tire mon chapeau, car elle a fait EXACTEMENT la chose à faire : mettre ses limites et se faire respecter. Car sérieusement, même si elle s’est fait parler bête, qu’est-ce que sa collègue aurait pu dire? Pas grand-chose: est-ce qu’on peut vraiment, en 2014, blâmer quelqu’un pour avoir appliqué ce principe de base qu’on nous enseigne depuis notre tendre enfance? Rappelez-vous cette chanson niaiseuse dont on nous rabâche les oreilles depuis des décennies : « Mon corps, c’est mon corps, ce n’est pas le tien… »
À ce moment-là, j’ai obtenu la réponse à une question que je me posais depuis longtemps : comment réagir quand on trouve que quelqu’un va trop loin? C’est vraiment simple. Pas besoin d’une répartie cinglante digne d’un film hollywoodien, pas besoin de hurler, de grimper dans les rideaux, de gifler l’offenseur. Il suffit simplement de dire non. Ne me touche pas, ou lâche-moi. La peur de froisser quelqu'un n’a pas lieu d’être, considérant que c’est l’autre qui est vraiment bête de s’aventurer en zone dangereuse.
Il m’est souvent arrivé d’avoir affaire à des collègues un peu trop tactiles… Des collègues avec qui j’avais une bonne relation, que je ne voulais pas gâcher. Les mains baladeuses, les commentaires déplacés, les propositions carrément indécentes, etc. À chaque fois qu’une situation ambiguë se présentait, je figeais. Je faisais comme si c’était normal, banal, comme ça j’avais l’air cool et ouverte d’esprit. Par contre, je ne trippais vraiment pas. Avec le recul, j’ai fini par comprendre que la raison pour laquelle je ne disais rien était l’arme numéro un des esprits mal intentionnés : la sidération et le sentiment de culpabilité. Faire croire à la victime que c’est elle, la fautive. Attention : je ne prétends pas que toutes les personnes qu’on remet à leur place sont nécessairement des harceleurs sexuels. Ce que j’essaie de dire, c’est que NOS propres limites constituent en soi un argument valable pour convaincre l’autre de ne plus recommencer. Toujours est-il que je ne voulais pas avoir l’air bête, froisser la personne ou gâcher notre belle relation en jetant un malaise. Mais qu’est-ce que l’autre va penser? Comment formuler sans être trop raide? Et s’il était fâché contre moi, me faisait la gueule? Et si on me reprochait mon attitude? Est-ce que j’ai fait quelque chose pour faire croire à la personne que j’espérais un rapprochement? Parfois, j’essayais même d’excuser la personne. Il a fait ça inocemment, c’est moi qui capote. STOP. Le malaise initial, ce n’est pas moi qui l’a jeté. C’est l’autre qui a commencé, en posant ses sales pattes là où il ne devrait pas.
Alors merci, jeune fille du take-out, pour m’avoir enseigné une leçon cruciale.
Puisque les texte d’opinion sèment parfois la controverse, j’ai décidé de prévenir celle-ci en présentant une annexe des questions qui pourraient suivre, agrémentées des réponses qui viennent avec. Les voici :
« Arrête de te plaindre, au moins t’es cute, au moins tu pognes, au moins t’as de l’attention, tu devrais être contente » -> Toi, tu es une vidange et tu passes complètement à côté du sujet. Prochaine question.
« Maudites féministes frustrées, z’êtes toutes pareilles » -> Si tu veux, ça ne me dérange vraiiiiiiment pas que tu me considères comme une féministe.
Fin de la période de questions.

mercredi 12 mars 2014

Comment se débarrasser d'un pot de colle


Mercredi, 15h30. Je débarque à la station Frontenac. Je me sens fatiguée et irritable, et j’ai très certainement mon air bête habituel étampé dans le visage. Dans l’escalier roulant, une voix pète ma bulle.
Souris!
Je lève les yeux.
— Hmmmmmmmmm???
Deux marches plus haut, un gars dans la mi-trentaine, pas très francophone. Il répète :
— Souris!
— Euhhhh. Pourquoi?
— Si tu souris, tu te sens mieux.
   Ah bon. D’accord.
Je résume, parce qu’il a un accent épouvantable et je dois lui faire répéter chaque phrase au moins deux fois. Je m’imagine que l’échange va s’arrêter là et que je vais retrouver ma tranquillité habituelle.
Malheureusement, mon compagnon ne l’entend pas de cette façon.
Il sort un jeu de Wii (Just Dance) et un petit papier sur lequel est gribouillé un mot de bonne fête bourré de fautes. Il me demande s’il y a des fautes et il me tend un crayon. Vu que je suis gentille (des fois), je lui corrige son mot.
Comme nous arrivons à la sortie, je dis :
— Ok bonne soirée là!
Et je m’éloigne rapidement. À peine sortie de la station, qui c’est que je vois tu pas surgir à mes côtés?
Eh oui.
Ne comprenant toujours pas ce qu’il me veut, je commence à élaborer un stratagème pour me débarrasser de lui. Pendant ce temps, mon ami continue de déblatérer dans un langage incompréhensible que je ne me donne même pas la peine d’essayer de comprendre. Je me contente de ponctuer son discours par des ok et des ouais.
Après environ trente seconde de marche, mon salut se présente : l’épicerie IGA du métro Frontenac! Je n’ai pas besoin de faire l’épicerie. Mais ça, il n’est pas obligé de le savoir.
— Tu t’en vas où toi là comme ça? Que je lui demande
— Ontario, Pie-IX.
— Eh boy, tu vas marcher longtemps. T’es mieux de prendre l’autobus. Bon, moi faut que j’aille à l’épicerie, dis-je en tournant à droite.
… Et il tourne à droite avec moi, en disant, « Moi aussi! »
Non mais c’est pas vrai.
Non, c’est pas vrai que je vais perdre mon temps à m’inventer des besoins alimentaires avec un illustre inconnu. Alors en entrant dans le centre d’achats, je m’arrête devant le IGA et je m’apprête à lui annoncer officiellement que le temps est venu de me crisser patience.
Quand soudain, mon attention est attirée par un kiosque Unicef dont je n’aurais absolument rien à foutre en temps normal. La petite vendeuse me salue. Je me sens subitement trrrrrrèsssss intéressée par ses autos téléguidées, ses chargeurs iPhone à 20% de rabais et ses chandeliers magiques qui permettent de faire un vœu. Je lui pose une foule de questions et je lui demande de me décrire en détail chacun de ces items. Pendant ce temps, mon nouvel ami s’impatiente (enfin). Il finit par me dire, en pointant l’épicerie devant nous :
— Hey, je vais aller me chercher un café pis je reviens.
Aussitôt qu’il a le dos tourné, j’en profite pour remercier ma gentille vendeuse, et je lui promets de revenir après avoir fait mes courses. Je repars dans le sens inverse, je traverse tout le centre d’achats et je me pousse par l’autre sortie.